Agriculture diversifiée : la clé pour nourrir la planète et protéger l’avenir

Image d'une polycultures

Dans un précédent article, j’évoquais les conséquences trop sous-estimées de la monoculture intensive et de manière plus générale, de la fragilité induite par notre modèle occidental d’hyperspécialisation.

Nous avons cavalièrement jeté tout le capital technique et social patiemment accumulé par nos ancêtres pour un modèle optimisé d’hyperspécialisation dans lequel nous acceptons de n’être compétent que dans un domaine de niche (de préférence hautement rentable). Dans ce modèle, nous acceptons collectivement de nous entasser dans de grandes villes et de confier la satisfaction de nos besoins essentiels à de lointains fournisseurs à bas prix.

Certes, ce modèle d’agriculture industrialisée a objectivement fait ses preuves avec des rendements à l’hectare multipliés par 3 en un demi-siècle tout en réduisant de manière drastique la part de la population occupée aux travaux pénibles des champs.

Mais pour efficace qu’elle soit, la monoculture a beaucoup d’effets pervers qui ne sont d’ailleurs pas tous connus : elle épuise les nutriments spécifiques du sol, dégrade les sols, génère une pollution des nappes phréatiques par les intrants chimiques, favorise la propagation rapide des maladies et parasites spécifiques aux cultures, etc.

Elle est probablement à l’origine de l’effondrement dramatique de la biomasse des insectes dans les campagnes des pays occidentaux.

 

Deux études intéressantes démontrent les avantages de l’agriculture diversifiée

Une étude intéressante du département d’études environnementale de l’Université du Colorado montre qu’un retour au modèle des petites exploitations diversifiées pourrait avoir un impact réellement bénéfique, à la fois pour la société et pour l’environnement.

En effet ce modèle, adapté au gout du jour, permettrait d’augmenter le rendement des cultures et d’améliorer la sécurité alimentaire tout en protégeant la planète.

Dans un article similaire de l’Université de Copenhague, l’auteur appelle à abandonner la monoculture et la pensée industrielle pour diversifier le mode d’exploitation car “c’est payant !”.

Ces articles sont intéressants car ils ne sont pas issus d’un courant de pensée écolo décroissant plein de bonnes intentions mais qui a trop souvent tendance à prendre ses désirs pour des réalités.

L’étude américaine est particulièrement vaste puisqu’elle s’appuie sur des données de 24 recherches menées dans 11 pays, couvrant 2 655 exploitations.

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Cinq stratégies de diversification ont montré des effets positifs sur les populations et la planète

  • Inclusion et diversification du bétail
  • Diversification des cultures, incluant la rotation des cultures et les cultures de couverture.
  • Conservation des sols et gestion de la fertilité, par exemple l’application de compost.
  • Plantations non agricoles, telles que les haies.
  • Conservation de l’eau, comme l’agriculture en courbes de niveau.

L’agriculture en courbes de niveau, par exemple, est une technique agricole qui consiste à planter les cultures en suivant les contours naturels du paysage plutôt qu’en ligne droite.

Les haies sont utilisées depuis des siècles dans l’agriculture européenne pour délimiter les propriétés, contenir le bétail et créer des brise-vent pour protéger les cultures. En plus d’améliorer la biodiversité, les haies contribuent à réduire le ruissellement agricole, à filtrer les polluants et à améliorer la qualité de l’eau dans les ruisseaux et les rivières avoisinants.

Des avantages décuplés avec des stratégies en tandem

La moitié des exploitations agricoles étudiées pratique une forme ou une autre d’intégration du bétail

La stratégie d’intégration du bétail signifie que les animaux et les cultures sont élevés ensemble au sein de la même exploitation.

Les avantages comprennent le recyclage des nutriments, les déchets animaux constituant une source d’engrais organique pour les cultures, ce qui améliore la fertilité du sol sans qu’il soit nécessaire d’utiliser des engrais chimiques. L’intégration de l’élevage constitue également une forme naturelle de lutte contre les mauvaises herbes et les parasites.

L’étude montre que les gains en termes de rendement, de réductions des risques et de protection de l’environnement sont meilleurs quand plusieurs stratégies de diversification sont appliquées en même temps :

« Le groupe a découvert que les agriculteurs et les éleveurs peuvent obtenir beaucoup plus d’avantages s’ils utilisent plusieurs solutions agricoles en tandem, plutôt qu’une seule à la fois. […]. Cela fonctionne dans les exploitations industrielles aux États-Unis et dans les petites exploitations de maïs au Malawi.”

« Dans de nombreux cas, des exploitations agricoles plus diversifiées apportent également l’avantage de mieux résister aux catastrophes naturelles telles que les sécheresses ou les vagues de chaleur”.

Un modèle qui n’est pas dans l’intérêt des grands groupes économiques et politiques

Pourtant, de puissantes fondations dites philanthropiques telles que l’AGRA, financée par la Fondation Bill & Melinda Gates, font la promotion d’une “révolution verte” centrée sur la un modèle d’agriculture intensive s’appuyant sur la biotechnologie et les engrais chimiques dans les pays en développement.

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Après plus d’une décennie, l’influence de l’AGRA a considérablement aggravé la situation dans les 18 pays africains ciblés par cette initiative « philanthropique ». Elle d’ailleurs confrontée à une féroce opposition de la part d’associations locales.

Dans un entretien intéressant, le candidat américain Robert F. Kennedy Jr. déclare ainsi :

« Il [Bill Gates] a incité les pays africains à passer de l’agriculture traditionnelle […] aux monocultures d’OGM, avec l’idée que cela fait partie de la mondialisation qui amènera les grandes entreprises à acheter vos produits, à vous donner de l’argent et à élever le niveau de vie de tout le monde.

Telle était la promesse.

Mais c’est exactement le contraire qui s’est produit : cela a été une calamité absolue pour les peuples d’Afrique. Je pense que 30 millions de personnes supplémentaires sont devenues victimes de l’insécurité alimentaire en conséquence directe de la révolution verte de Gates, mais Gates et ses entreprises ont beaucoup prospéré.

Dans chaque effort philanthropique qu’il fait, il y a toujours, à la fin, un plan pour gagner de l’argent pour Gates et sa fondation ».

Clairement, le modèle d’une agriculture fondée sur des petites exploitations pratiquant une agriculture diversifiée n’est absolument pas dans l’intérêt des grands groupes qui cherchent à maximiser leur avantage économique ou politique. Les agriculteurs forment un segment de population peu malléable, rustique et méprisée par une élite de plus en plus confinée dans sa sphère urbaine et ses idéologies déconnectées.

Dans un livre passionnant, “Le pari bénédictin”, Rob Dreher propose une stratégie de retrait partiel de la société dominante afin de créer des communautés intentionnelles centrée sur des exploitations agricoles diversifiées et sur l’artisanat ou la petite industrie.

Qualifié d’antimoderne par ses détracteurs, il se pourrait bien que ce modèle ait finalement un avenir … mais seulement s’il sait exploiter correctement les technologies qui permettront d’éviter un retour à cette sourde pénibilité du travail agricole que savait supporter nos anciens mais que plus personne n’est prêt à accepter aujourd’hui.

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